Des milliers d’agriculteurs ont manifesté ces derniers jours dans toute l’Europe, de la Roumanie à la Pologne en passant par la France et l’Allemagne. Ces manifestations ont été récupérées par des mouvements d’extrême droite qui cherchent à exploiter le mécontentement des agriculteurs à des fins politiques avant les élections européennes de juin.
Les raisons de ces manifestations sont liées à des situations spécifiques telles que l’excès de réglementation, l’introduction de taxes sur le carburant des tracteurs ou la décision de Bruxelles de suspendre les droits d’importation sur les produits ukrainiens. En même temps, il y a un fil conducteur dans ces protestations : une forte opposition au Green Deal de l’UE et aux ambitions « de la ferme à la fourchette ».
L’EFFAT partage certaines des préoccupations des agriculteurs, en particulier en ce qui concerne les faibles revenus que les petits agriculteurs reçoivent pour leur travail, la concurrence déloyale des pays tiers et l’absence de mesures de transition justes pour mettre en œuvre les objectifs du Green Deal. Nous soulignons que si les conditions des petits agriculteurs sont difficiles, celles des travailleurs agricoles sont tout simplement insupportables. Cependant, il doit être clair que le principal défi auquel est confronté le secteur agricole européen n’est pas la stratégie « de la ferme à la fourchette », mais la répartition inéquitable des richesses tout au long de la chaîne alimentaire. Alors que les chaînes de distribution, les grandes entreprises agrochimiques et les actionnaires des géants de l’agroalimentaire engrangent chaque année des bénéfices records, les travailleurs agricoles et alimentaires et les petits exploitants luttent pour mettre de la nourriture sur leur table. Le point de départ pour s’attaquer à ce paradoxe inacceptable est de traiter les problèmes systémiques tels que la concentration du pouvoir tout au long de la chaîne alimentaire, la spéculation sur les marchés des matières premières alimentaires, une approche non durable des accords commerciaux et la financiarisation du secteur agroalimentaire.
Nous regrettons que ces questions ne soient pas suffisamment mises en avant dans les manifestations des agriculteurs.
La stratégie « de la ferme à la table » n’est pas le problème, mais elle fait partie de la solution car elle montre la voie à suivre pour rendre notre secteur agricole plus durable.
Dans le même temps, les objectifs écologiques ne peuvent pas être imposés unilatéralement par Bruxelles, sinon ils ne seraient manifestement pas acceptés par la société, comme c’est le cas actuellement.
Le moyen de renverser cette perception n’est pas d’abandonner ces objectifs, mais de les mettre en œuvre par le biais de mesures de transition justes qui prennent en compte les intérêts des travailleurs agricoles, des petits agriculteurs et des communautés rurales dans leur ensemble, comme l’EFFAT l’a demandé. Cela nécessite des mesures concrètes telles que la mise en œuvre de politiques environnementales par le biais d’évaluations rigoureuses de l’impact socio-économique, l’implication des partenaires sociaux dans la gestion de la transition et l’établissement d’un lien entre l’octroi de fonds publics pour la transition verte et les conditions sociales. En outre, les investissements dans la formation, la sécurité sociale et les parcours de transition d’un emploi à l’autre doivent être renforcés pour protéger les emplois et les revenus des travailleurs agricoles.
Mais tout cela ne sera pas possible si l’Europe retourne à l’austérité et si la paix n’est pas rétablie en Europe et dans le monde.