Voici quelques jours, j’étais interviewé par un journaliste de Bel-RTL au sujet de la Pologne. La question portait sur le niveau élevé des allocations familiales dans ce pays. Faut-il y voir ou non un modèle à suivre au niveau européen? Le niveau des allocations familiales en Pologne avoisinent les 25% du salaire mensuel moyen. Avec le programme 500+, chaque couple ayant deux enfants à charge reçoit 500 złotys – près de 120 euros – par mois. De prime abord, on imagine difficilement quelqu’un s’opposer à une telle mesure, harmonisée au niveau européen. Toutefois, il faut certainement se poser la question de l’objectif poursuivi par le gouvernement polonais.
À l’origine, les allocations familiales polonaises faisaient partie d’une politique visant à encourager la natalité. Progressivement, les allocations familiales se sont muées en compléments de rémunération pour les ménages avec enfants. Un appoint non négligeable, en particulier pour les personnes aux revenus moins élevés.
Mais il faut garder à l’esprit que la Pologne est actuellement dirigée par un gouvernement ultraconservateur. Ses dirigeants ont prouvé à maintes reprises qu’ils étaient en rupture avec les valeurs fondamentales de l’Union européenne. À titre d’exemples, citons le refus d’accueillir des réfugiés, des atteintes aux droits des femmes dont celui à l’avortement, des reculs des libertés économiques, comme la neutralisation des contre-pouvoirs dont la justice, le tribunal constitutionnel ou les médias.
Le refus de l’immigration correspond à la volonté du gouvernement de conserver une Pologne centrée sur les valeurs catholiques. Dans cette conception, l’étranger – en particulier celui qui ne partage pas la même religion – est une menace. Or, en Pologne comme dans d’autres pays, le vieillissement de la population constitue un défi. Payer les retraites nécessite d’avoir une jeune main d’œuvre qui cotise. Et dès lors que vous faites une croix sur l’immigration, il devient nécessaire de « compenser » en favorisant la natalité afin d’équilibrer les évolutions démographiques.
De plus, le PiS, parti au pouvoir en Pologne, semble avoir une conception bien singulière du rôle de la femme. Celle-ci doit être avant tout une mère s’occupant des enfants. Sa place serait donc à la maison et, par conséquent, les allocations familiales doivent l’encourager.
L’Union européenne ne peut donc s’orienter vers ce type de politique familiale, sous-tendue par une vision particulièrement rétrograde de la société. Ces considérations ne sont pas l’apanage de la Pologne uniquement. En Hongrie, notamment, Monsieur Orbán et les membres de son gouvernement se font les chantres de l’illibéralisme, fondé sur une conception ultraconservatrice et nationaliste en totale opposition aux valeurs démocratiques européennes. On peut y voir l’expression d’une « extrême-droitisation » de nos sociétés que l’on retrouve malheureusement aussi hors de l’Union européenne, entre autres en Turquie avec Monsieur Erdoğan ou aux États-Unis avec Monsieur Trump.
Il est donc indispensable de contextualiser les mesures en regard de la situation d’un pays et dans le cadre des objectifs politiques poursuivis.