C’est avec une large majorité que le Parlement européen a voté la révision de la directive relative au détachement des travailleurs. Ce vote marque une volonté de mettre un terme à la concurrence induite par les différences de coûts salariaux. Le dumping social est un véritable fléau qui touche de nombreux secteurs et mine les fondements de l’Union européenne.
Le texte adopté prévoit l’élargissement de la notion de rémunération. Celle-ci ne se limitera plus au salaire minimum mais intégrera l’ensemble des éléments constitutifs de la rémunération comme les primes ou les barèmes en vigueur. Autre avancée, la prise en compte des conventions collectives qui seront applicables aux travailleurs détachés.
Cette révision était attendue depuis des années. La Commission avait dû retarder sa proposition pour ne pas interférer dans le choix des Britanniques sur le Brexit. Durant plus d’un an et demi, les deux co-rapporteures du Parlement européen, la Française Élisabeth Morin-Chartier et la Néerlandaise Agnes Jongerius ont patiemment construit une position largement soutenue par le Parlement européen; ce qui leur a permis d’entrer en négociation avec les États membres représentés au Conseil.
Le résultat de cette négociation est quelque peu en retrait de la position initiale dans la mesure où sont exclus de la directive la sous-traitance et le secteur du transport. Ce dernier est actuellement abordé dans les discussions relatives à ce que l’on appelle le « Paquet transport ».
L’un des grands mérites de ce compromis est d’avoir réussi à éviter une confrontation entre les « anciens » pays et les nouveaux. J’en tiens pour preuve la position des organisations syndicales des pays faisant partie du groupe de Višegrad. L’ensemble de ces organisations, au même titre que la Confédération européenne des Syndicats, soutient ce texte et a appelé les parlementaires à voter positivement.
Il est clair que cette révision ne va pas solutionner l’ensemble des problèmes, mais elle va dans le bon sens: celui de la convergence sociale. Il faudra tout d’abord que la directive soit rapidement transposée dans les législations nationales et, surtout, que les États membres renforcent les mécanismes de contrôle. Les services nationaux d’inspection du travail doivent disposer de suffisamment de moyens humains et techniques pour mener à bien leur mission. Enfin, la création d’une « autorité européenne du travail » devrait constituer l’embryon d’une inspection sociale à l’échelon européen.
Dans un espace comme l’Union européenne, la mobilité des travailleurs est une richesse. Elle doit être garantie pour tous. Par contre, celle-ci ne peut donner lieu à une dérégulation des marchés du travail en mettant en concurrence les travailleurs salariés entre eux.
Le dumping social ne peut être combattu qu’en évoluant vers une convergence sociale européenne. Il faut avancer vers une plus grande harmonisation de la protection sociale et des niveaux salariaux.
Enfin, il faut combattre la raison première du dumping social: les États qui « exportent » une main d’œuvre bon marché sont ceux qui ne voient pas d’autres possibilités pour rattraper leur retard de développement économique. Lors du dernier grand élargissement, l’Union européenne n’a pas suffisamment épaulé ces pays. Il aurait fallu mettre en place un véritable plan Marshall afin de soutenir le développement économique et social des nouveaux pays grâce à une croissance endogène. Cela aurait permis une plus grande convergence de nos économies. Il n’est jamais trop tard, aussi faudra-t-il doter l’UE d’un budget ambitieux permettant de mener des politiques à la hauteur des défis européens.